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Le condamné avait été amené pieds et poings liés jusque dans les collines, lieu où se tenait les exécutions. Il avait été un vassal du seigneur Evrard de Vaast et Sylle se souvenait l'avoir vu plusieurs fois à la cour de son père. Il y eut des questions posées et des réponses données dans l'air glacé du matin, mais l'enfant ne saisissait pas toute la teneur du propos. Elle n'était sûre que d'une chose : cet homme avait trahit son suzerain et devait être puni pour cela.
Finalement Evrard donna un ordre et deux gens d'armes traînèrent le félon jusqu'à une souche de bois sombre. Non sans une certaine violence, ils forcèrent sa tête sur le billot et la maintinrent en place. Après avoir prononcé la prière destinée aux morts, Evrard coupa la tête de l'homme d'un seul coup, sûr et précis.
« Nous sommes le dragon soufflant le feu. Nul ne nous provoque impunément. » avait un jour expliqué à Sylle le seigneur son père.
Nul ne nous provoque impunément. Tels étaient leurs mots. La mort était le prix de la provocation ; et l'enfant jugea intérieurement que l'homme avait mérité son sort.
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Dans l'église, où l'odeur de l'encens se mêlait à celle de la sueur et de l'herbe piétinée dont on avait jonché le sol, les rayons du soleil, à travers les vitraux, coloraient de teintes vives comme celles des enluminures les piliers et les statues des saints. Les sièges en bois répartis autour de l'église étaient tous occupés. L'immense nef, les chapelles rayonnantes, le choeur et son déambulatoire étaient combles de nobles comme de roturiers. La fumée odorante qui s'élevait des encensoirs balancés dans les allées et les chants liturgiques agrémentaient de parfum et de musique les paroles solennelles prononcées par Evrard.
Parmi la foule, Sylle contemplait avec fierté Adbald, ce cousin, cet homme capable de tuer une wyverne d'une seule flèche. Elle l'avait toujours admiré. Plus pour sa droiture et sa loyauté que pour sa prestance pourtant indéniable. On le surnommait déjà « le Chevalier Dragon », « l'héritier de Sire Vaast ». Et pourtant il ne tirait aucune vanité à se voir ainsi honoré : le jeune homme ne semblait prendre en considération que les devoirs, jamais les droits.
La cérémonie de l'adoubement se terminait. Adbald se relevait de son agenouillement. Il se dirigea ensuite, au milieu des chants, de l'encens et de l'affection que tous lui témoignait, vers le grand porche de l'édifice. On l'approchait librement. Les plus avertis le saluaient, les plus simples s'efforçaient de toucher son manteau de velours pourpre sur lequel était brodé un dragon d'argent.
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Un bien-être fait de tiédeur, du parfum des aromates, de sensualité aussi glissa sur le corps souple et délicat de l'adolescente. La baignoire en bois de châtaignier, toujours garnie en son fond et sur ses bords d'un drap épais pour éviter les échardes, était apportée trois fois par semaine afin d'être placée au pied du lit de la jeune fille, fermé de tous côtés par des courtines de tapisserie. Plongée dans l'eau jusqu'à la poitrine, Sylle les contemplait en nouant et dénouant, d'un geste qui lui restait de l'enfance, les boucles argentées qui encadraient son visage. Les toiles tissées de somptueuses couleurs représentaient une longue épopée à la gloire de Sire Vaast.
« Sire Vaast et le dragon. »
— Clotilde, passez-moi la décoction de mauves et de violettes, puis l'huile de noyau de pêche.
La chambrière tendit à sa maîtresse un premier flacon et un linge de linon. Sylle humecta le tissu léger et se tamponna avec précaution les joues, le menton, le front. Puis elle se massa délicatement le visage avec l'huile que contenait une seconde fiole.
« Sire Vaast était un Infidèle ayant épousé une noble de Heurtevent. Quelques années après son mariage, il reçut un appel à l'aide de l'un de ses vassaux : celui-ci était menacé par un immense dragon qui déchaînait ses flammes et sa sauvagerie sur son fief. Sire Vaast, fidèle à son serment et son devoir de protection accourut. La bataille dégénéra en un véritable massacre et son armée fut sur le point d'être complètement anéantie. Après avoir imploré sans succès ses dieux païens, il se tourna vers la déesse de son épouse, la Stérile, et jura de se convertir si elle lui venait en aide. »
Sylle prit des mains de Clotilde un miroir d'étain poli où elle observa un moment ses traits avant d'y déposer du bout des doigts une touche de fard blanc qu'elle étala de façon uniforme avec l'habileté que donne l'habitude.
« Bien entendu, la Stérile, dans toute Sa grandeur répondit et permit à Sire Vaast de terrasser la bête. »
Sur la peau lavée, frottée, séchée, parfumée à l'eau de rose, la chambrière aida sa maîtresse à passer une longue chemise en toile d'argent, puis une épaisse cotte de laine blanche finement brodée et retenue par un double laçage sur les flancs. Le surcot sans manches, en drap gris sombre qui contrastait avec la cotte sur laquelle il était enfilé, tombait en plis souples jusqu'au sol. Largement ouvert sur la poitrine, il était fermé par une fibule ornée de pierres précieuses de diverses couleurs.
« Nous sommes le dragon soufflant le feu. Nul ne nous provoque impunément. »
